Hannah Arendt, 1933-1941
Un article de Marina Touillliez, sur la biographie de Hannah Arendt

Au début du mois d’octobre 1933, Hannah Stern, née Arendt, arrive à Paris. Elle n’a que 26 ans mais, derrière elle, déjà un parcours d’étudiante brillante en philosophie qui lui a valu l’estime des plus grands professeurs allemands de l’époque (Martin Heidegger, Karl Jaspers...) ; mais aussi un engagement politique contre Hitler, qui lui a coûté une semaine dans les geôles de la Gestapo à Berlin et jetée sur les routes de l’exil.
A Paris, elle retrouve son mari Günther Stern. Malgré l’amour déclinant entre eux, les deux jeunes gens tentent de faire face ensemble à la déception cruelle que leur cause la réalité de l’accueil des Français.
Plonger dans l’histoire de Hannah Arendt en France, c’est découvrir la tragédie des milliers de réfugiés fuyant Hitler pour le « pays des droits de l’Homme ». Arrivés emplis d’espoir de trouver en France un salut mais aussi les moyens de continuer leur lutte contre l’Allemagne nazie, ils vont connaître la misère, les lois qui appauvrissent et stigmatisent, l’hostilité politique souvent imprégnée de racisme et d’antisémitisme qui ne fera que croître au fil des années.
En 1939, au moment de la déclaration de guerre, la France s’enfoncera dans la faillite morale en entassant dans des camps quelques 20 000 de ces réfugiés qui ne demandaient pour la grande majorité d’entre eux que le droit de rejoindre l’armée française pour combattre Hitler. Cette trahison par « les amis », plus que le cumul des persécutions, provoquera une vague de désespoir qui n’épargnera pas Hannah Arendt et ses plus proches amis.
Pourtant, en 1975, peu de temps avant son décès, Hannah Arendt parlera d’« années assez heureuses » en évoquant ces 8 années en France. Il faut dire qu’une lumière persistante et inextinguible traverse cette histoire terrible : celle de l’amitié exceptionnelle vécue par ces « galériens attachés au même banc » ; celle d’une « tribu » qui, dans l’effondrement, a eu la chance de connaître une fraternité qui n’est peut-être donnée justement qu’à ceux qui connaissent les « sombres temps ». Ce qui fut plus qu’une lumière, une chaleur, Hannah Arendt devait la nommer plus tard : « la chaleur des peuples parias ».
Marina Touilliez
Bibliographie
Parias, Hannah Arendt et la « tribu » en France (1933-1941)
Pour citer cet article
TOUILLIEZ, Marina, « Hannah Arendt, 1933-1941 », Les Mardis de la Philo, 2025, URL : https://www.lesmardisdelaphilo.com/actualites/hannah-arendt-1933-1941.




